Pour son rôle dans l’assassinat, notamment, du correspondant de Reporters sans frontières (RSF) Deyda Hydara, en 2004, le citoyen gambien Bai L. est reconnu coupable de crime contre l’humanité, meurtre et tentative de meurtre. Le verdict rendu ce 30 novembre par la justice allemande dans le premier procès ouvert à l’étranger pour poursuivre les violations des droits humains commises en Gambie pendant l’ère Yahya Jammeh, est un pas historique vers la justice. RSF demande à présent l’extradition de l’ancien président Jammeh, principal commanditaire de ce crime, en Gambie ou dans un pays tiers pour qu’il y soit jugé.
C’est un verdict historique dans la quête de justice pour Deyda Hydara. Le tribunal régional supérieur de Celle, au nord-ouest de l’Allemagne, a reconnu le citoyen gambien Bai L. coupable de crime contre l’humanité, meurtre et tentative de meurtre et l’a condamné, ce jeudi 30 novembre, à la prison à perpétuité. Cet ancien membre des “Junglers”, une unité paramilitaire mise en place par Yahya Jammeh, était notamment accusé d’être impliqué dans le meurtre, le 16 décembre 2004, de l’ancien correspondant de RSF en Gambie, Deyda Hydara.
Ce procès est le premier ouvert à l’étranger pour poursuivre les violations des droits humains commises en Gambie pendant l’ère Jammeh. La condamnation de l’accusé pour crime contre l’humanité marque la reconnaissance par la justice allemande que l’assassinat de Deyda Hydara a été ordonné et orchestré par Yahya Jammeh, dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile gambienne, en particulier contre les opposants au régime et parmi eux les journalistes.
« Ce verdict est une étape majeure pour la famille de Deyda dans sa quête de justice, et un jour historique pour l’ensemble de la presse gambienne dont il était un infatigable défenseur. RSF s’est mobilisée pour que ce verdict puisse être rendu, mais le combat ne s’arrête pas là. Il faut à présent que le véritable commanditaire, le dictateur Yahya Jammeh, ainsi que tous ses complices, répondent de leurs crimes. RSF continuera à se mobiliser pour que Yahya Jammeh soit enfin extradé de Guinée équatoriale pour être jugé sans délai en Gambie ou dans un pays tiers. »
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Deyda Hydara était sous surveillance sous le régime Jammeh
Journaliste gambien renommé, cofondateur du journal The Point et correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) dans le pays, Deyda Hydara était l’auteur d’une célèbre chronique dans The Point, intitulée « Good morning, Mr President » (“Bonjour Monsieur le président”) dans laquelle il commentait la politique nationale. RSF avait révélé qu’il était espionné par les services de renseignement gambiens juste avant sa mort.
Ancien membre des “Junglers”, Bai L., 48 ans, reconnu coupable d’avoir participé à son assassinat, a été arrêté en mars 2021 en Allemagne, où il vit depuis 2012, et a été placé en détention provisoire. Il était poursuivi pour son rôle dans l’assassinat de Deyda Hydara, ainsi que dans celui, en 2006, d’un ancien soldat et dans la tentative de meurtre en 2003 d’un avocat dans son pays – trois crimes que la justice allemande a aussi qualifié de crimes contre l’humanité, ceux-ci s’étant inscrit dans la campagne plus large de repression du régime Jammeh.
Un verdict historique après un long combat contre l’impunité
Parmi les nombreux témoins du procès, figurait Pap Saine, ami et cofondateur, avec Deyda Hydara, du journal The Point. Son fils, Baba Hydara, également journaliste, s’est constitué partie civile. La section allemande de RSF a facilité la présence de journalistes gambiens couvrant ce procès. C’est grâce à elle que trois journalistes, dont Pap Saine, ont pu se rendre à Celle en juin 2022 pour couvrir une première partie du procès et que Baba Hydara était de nouveau présent pour les plaidoiries finales et le jugement.
Dès novembre 2022, lors d’une rencontre avec le président gambien Adama Barrow, le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, avait appelé à l’extradition de Yaya Jammeh, réfugié en Guinée Équatoriale, vers la Gambie ou un pays tiers. Christophe Deloire s’était aussi recueilli sur la tombe de Deyda Hydara et avait pu voir la voiture dans laquelle il a été assassiné.