Le Secrétaire général de l’ONU a appelé jeudi à une action plus ferme pour lutter contre le défi croissant de la criminalité transnationale organisée, lors d’un débat au Conseil de sécurité sur cette question.
António Guterres a exhorté les pays à renforcer la coopération, l’Etat de droit et les efforts de prévention contre cette « menace à la paix, à la sécurité et au développement durable » qui se trouve partout, y compris dans le cyberespace – « un eldorado virtuel pour les criminels ».
Différents crimes, mêmes résultats
La criminalité transnationale organisée est une industrie de plusieurs milliards de dollars qui englobe les flux financiers illicites, le commerce illicite d’armes à feu et le trafic d’êtres humains, de drogues, de ressources naturelles, d’espèces sauvages et d’autres produits – tous ces éléments étant de plus en plus liés.
Malgré ces nombreuses formes, « les conséquences sont les mêmes : gouvernance affaiblie, corruption et anarchie, violence, morts et destructions », a déclaré M. Guterres.
En outre, la criminalité transnationale organisée et les conflits se nourrissent mutuellement, a-t-il ajouté, sapant ainsi l’autorité et l’efficacité des institutions étatiques, érodant l’État de droit et déstabilisant les structures chargées de l’application de la loi.
Chaos et conflits
Le chef de l’ONU a cité des exemples dans le monde entier, comme en Afghanistan et en Colombie, où la production et le trafic de drogue ont alimenté des conflits brutaux et durables.
Il a également cité la situation en Haïti, qui est pris dans un cercle vicieux d’effondrement de l’État, d’escalade de la violence des gangs et d’un commerce illicite croissant d’armes à feu introduites clandestinement dans le pays, qui a permis aux gangs de prendre le contrôle de ports, de routes et d’autres infrastructures critiques.
« Au Myanmar, la traite des êtres humains et les escroqueries en ligne, souvent menées depuis l’extérieur du pays, prospèrent dans un environnement de violence, de répression et d’érosion de l’État de droit suite à la prise de pouvoir militaire en 2021 », a-t-il ajouté.
Il a noté que dans de nombreux conflits, les activités des groupes criminels transnationaux et des groupes armés se chevauchent et se croisent, rendant la résolution des conflits encore plus difficile.
Le lien avec le terrorisme
M. Guterres a déclaré que les liens entre le crime organisé et le terrorisme constituent une autre préoccupation. Dans la région du Sahel en Afrique, par exemple, le commerce illicite de carburant, de drogues, d’armes et de ressources naturelles fournit des ressources aux groupes armés, menaçant la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes.
Bien que le Conseil de sécurité reconnaisse depuis longtemps le danger que représente la criminalité transnationale organisée pour la paix et la sécurité internationales, « nous devons faire davantage pour renforcer nos défenses », a-t-il dit, appelant à une action dans trois domaines prioritaires.
Coopération et consensus
La coopération multilatérale étant « la seule voie crédible pour cibler les dynamiques criminelles qui alimentent la violence et prolongent les cycles de conflit », elle doit être renforcée, a-t-il dit.
Le Secrétaire général a exhorté les États membres à mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses trois protocoles additionnels, et à travailler ensemble dans les enquêtes et les poursuites.
Il a également exprimé l’espoir que les pays parviendront à un consensus sur un nouveau traité sur la cybercriminalité et qu’ils partageront et échangeront des données, notant que les groupes criminels ont rapidement exploité les crypto-monnaies et les outils numériques.
Contre le « règne de l’anarchie »
Son deuxième point a porté sur la nécessité cruciale de renforcer l’État de droit, qui est « fondamental pour nos efforts visant à trouver des solutions pacifiques aux conflits et à lutter contre les menaces multiformes posées par la criminalité transnationale organisée ».
Un État de droit efficace renforce la confiance dans les institutions, crée des conditions de concurrence équitables et contribue à réduire la corruption. Il soutient également les droits de l’homme et permet un développement social, politique et économique durable.
Cependant, « de nombreux pays courent un risque grave de tomber dans l’anarchie », a-t-il prévenu. « Depuis les prises de pouvoir anticonstitutionnelles jusqu’au piétinement des droits de l’homme, les gouvernements eux-mêmes contribuent au désordre et au manque de reddition des comptes ».
Promouvoir une plus grande inclusion
M. Guterres a appelé les pays à renforcer la prévention et à favoriser l’inclusion, ce qui implique notamment d’intensifier les efforts pour parvenir à un développement durable pour tous.
Les mesures requises consistent notamment à garantir le respect des droits de l’homme, à lutter plus efficacement contre la cybercriminalité et à promouvoir l’égalité des sexes.
Homicides et autres violences
La cheffe de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Waly, a fait écho à l’appel du Secrétaire général à une action collective mondiale.
Elle a présenté en avant-première un rapport, qui sera publié vendredi, qui révèle que les groupes ou gangs criminels organisés sont responsables de près d’un quart de tous les homicides dans le monde.
L’impact du crime organisé se manifeste également de manière alarmante, a-t-elle déclaré, « depuis des formes choquantes de violence dans les villes portuaires européennes liées au trafic de drogue, jusqu’aux assassinats politiques et à l’infiltration de prisons dans certaines parties d’Amérique latine ».
Échapper à la justice, exploiter les systèmes financiers
Elle a expliqué au Conseil que les réseaux criminels exploitent les pratiques commerciales pour faciliter leurs opérations. Ils prennent des mesures qui incluent le recours à certaines professions, notamment dans le domaine juridique, pour échapper à la justice et l’exploitation de structures financières à des fins de blanchiment d’argent, par exemple.
Ces groupes sont également devenus « plus agiles et décentralisés » et leurs structures sont « moins hiérarchiques, plus fragmentées et regroupées en un réseau de spécialistes, qui fournissent des services et collaborent entre eux », a-t-elle souligné.
Parallèlement, les marchés numériques et les cryptomonnaies ont facilité l’expansion des transactions illicites, les rendant plus rapides et anonymes.
Les coûts et les risques liés à la participation à des activités criminelles n’ont jamais été aussi faibles, et la menace mondiale posée par le crime organisé a atteint de nouveaux niveaux de complexité, a déclaré Mme Waly au Conseil.
« Pour y répondre, nous avons besoin d’institutions capables de rendre justice et de mettre fin à l’impunité, ainsi que de communautés résilientes », a-t-elle ajouté. « Et nous devons investir bien plus de ressources pour lutter contre les marchés illicites qui valent des milliards de dollars ».