Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exprimé vendredi son inquiétude face à la répression croissante de la liberté des médias en République de Guinée et a exhorté les autorités de transition de ce pays à changer de cap.
« Des journalistes ont été harcelés et intimidés, agressés et arrêtés, du matériel saisi et démonté, des transmissions bloquées et des chaînes médiatiques brouillées, suspendues ou fermées. L’accès à plusieurs sites de médias sociaux a été bloqué et l’accès à l’Internet restreint », a déclaré M. Türk dans un communiqué de presse.
ONUinfo
Respecter la liberté d’expression
« Ces mesures ne respectent pas les exigences strictes du droit international relatif aux droits humains. Elles doivent être rapidement stoppées et le droit à la liberté d’expression et d’opinion doit être pleinement respecté », a-t-il ajouté.
Le 6 décembre, le régulateur des médias a ordonné à Canal+, un fournisseur français de télévision payante, de cesser de diffuser les contenus radio et télé de la chaîne privée Djoma, et lui a ordonné trois jours plus tard de suspendre les contenus de deux autres chaînes privées, Evasion et Espace, invoquant des impératifs de sécurité.
Deux mois plus tôt, le 16 octobre, les forces de sécurité ont arrêté au moins 13 journalistes qui s’étaient rassemblés à Conakry pour protester contre la censure et réclamer la levée des restrictions imposées au site d’information Guinée Matin en août. Ils ont été libérés le même jour, mais les poursuites pénales à leur encontre sont toujours en cours. Les restrictions ont commencé en mai, coïncidant avec des manifestations dirigées par l’opposition contre l’autoritarisme perçu de la part des autorités de transition et la lenteur des progrès dans la transition vers un ordre constitutionnel, a précisé le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
Accès restreint à des sites Internet
L’accès aux sites Internet Guinée Matin et Africa Guinée a été restreint en mai et les transmissions de deux radios privées – Fim FM et Djoma FM – ont été brouillées. En mai également, des émetteurs appartenant au groupe de médias indépendant Afric Vision ont été démontés et saisis, et deux reporters des sites Guinée Info et Guinée 114 ont été arrêtés par des militaires qui les ont insultés, menacés de crever le pneu arrière de leur moto et frappé l’un d’eux à la tête. Lors d’un autre incident survenu en mai, le personnel des stations de radio Fim FM et Djoma FM a été convoqué par le régulateur guinéen des médias et réprimandé pour des propos jugés critiques tenus à l’antenne lors d’une discussion sur les manifestations de l’opposition.
Les sites de réseaux sociaux, notamment Facebook, Instagram, WhatsApp et TikTok, sont bloqués depuis au moins le 24 novembre, selon l’Observatoire ouvert des interférences des réseaux (OONI), et l’accès à l’Internet est restreint depuis plusieurs mois.
Les autorités de transition ont invoqué des impératifs de sécurité nationale pour justifier l’imposition de restrictions sur les médias et les plateformes de communication en ligne. Toutefois, pour être conforme aux obligations internationales de la Guinée en matière de droits humains, toute restriction à la liberté d’expression doit être légale, nécessaire et proportionnée, selon le HCDH.
« Ces restrictions largement excessives des libertés fondamentales ne font que réduire l’espace civique et reculer le respect des droits de l’homme à un moment où ils ont le plus besoin d’être nourris et défendus en Guinée », a déclaré le Haut-Commissaire. « J’exhorte vivement les autorités de transition guinéennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier immédiatement à cette situation préoccupante ».