Antony J. Blinken, secrétaire d’État
Palais des congrès Roi Hussein Bin Talal
Sweimeh, Jordanie
Le 11 octobre 2024
Allocution
MONSIEUR LE SECRÉTAIRE BLINKEN : Merci. Et bonjour, chers collègues.
Nous sommes reconnaissants au roi Abdallah, au président Al-Sissi et au secrétaire général Guterres d’avoir organisé cette conférence et de déployer des efforts inlassables pour mettre fin à ce conflit et venir en aide aux nombreux enfants, femmes et hommes qui en ont désespérément besoin.
Comme nous le savons tous, et comme nous en avons discuté tout au long de la journée, la crise à Gaza est immense. Plus d’un million de personnes ont été déplacées de Rafah, rien qu’au cours du mois dernier, et nombre d’entre elles avaient déjà été déracinées à plusieurs reprises.
Quatre-vingt-quinze pour cent des habitants n’ont pas accès à l’eau potable. La faim est omniprésente. Pratiquement tous les habitants de Gaza dépendent de l’aide pour survivre.
La majeure partie du système d’assainissement de Gaza a été détruite. Moins d’une douzaine des 40 hôpitaux de Gaza sont ouverts.
Et, comme nous le savons et l’avons entendu, plus de 270 travailleurs humanitaires ont été tués.
L’un de ces humanitaires s’appelait Jamal Abu Kwaik. Jamal travaillait depuis longtemps pour l’UNRWA à Gaza et il était depuis de nombreuses années le principal contact sur place des États-Unis et, pour beaucoup, un ami. Il a été tué le mois dernier après avoir évacué Rafah. Il était à la recherche d’un abri pour sa famille. Il laisse derrière lui sa femme et ses quatre enfants.
La mesure la plus efficace que nous puissions prendre pour relever les défis humanitaires urgents à Gaza est de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et, en définitive, durable.
Il y a onze jours, le président Biden a présenté une proposition globale visant précisément à atteindre cet objectif.
Au cours des six premières semaines, cette proposition prévoit un cessez-le-feu total, le retrait des forces israéliennes de toutes les zones habitées de Gaza, la libération d’un certain nombre d’otages, dont les femmes, les personnes âgées et les blessés, une augmentation considérable des livraisons d’aide, le retour des civils chez eux ou dans leur quartier dans toutes les parties de la bande de Gaza. Elle permettrait également d’entamer des négociations en vue d’un cessez-le-feu permanent.
La deuxième phase comprendrait la libération de tous les otages encore en vie, le retrait de toutes les forces israéliennes de Gaza et la mise en œuvre d’une cessation permanente des hostilités. Enfin, la dernière phase consisterait à lancer un vaste effort de reconstruction à Gaza.
Lorsque j’ai rencontré le premier ministre Netanyahou hier en Israël, il a réaffirmé son soutien et son engagement à faire aboutir cette proposition.
Hier également, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution parrainée par les États-Unis en faveur de la proposition. Quatorze membres ont voté pour. Aucun pays ne s’y est opposé. Ce n’est que le dernier vote de soutien en date reçu par la proposition de la part du monde entier, de pratiquement toutes les personnes présentes autour de cette table, de la Ligue arabe, des pays de toute la région.
Aujourd’hui, à l’heure où nous nous réunissons, il n’y a qu’une seule chose qui fait obstacle à la conclusion de cet accord : le Hamas.
Mon premier message aujourd’hui s’adresse donc à tous les gouvernements, à toutes les institutions multilatérales et à toutes les organisations humanitaires qui souhaitent soulager les immenses souffrances de Gaza : faites en sorte que le Hamas accepte l’accord. Faites pression sur lui publiquement. Faites pression sur lui en privé.
Et le Hamas ne devrait pas avoir besoin de beaucoup pour se laisser convaincre. Après tout, la proposition est presque identique à celle que le Hamas a lui-même avancée le 6 mai.
Cela dit, nous sommes réunis aujourd’hui parce que nous reconnaissons tous, je pense, qu’il est impératif de prendre des mesures audacieuses et immédiates pour aider les civils à Gaza, et d’agir maintenant. Voici quelques réflexions sur des mesures à prendre à l’avenir.
D’abord, augmenter l’aide. Nos collègues des Nations unies vous l’ont déjà dit. Seul un tiers de l’appel actuel des Nations unies est financé. Il manque donc environ 2,3 milliards de dollars. Chaque pays peut contribuer à combler ce manque.
Pourtant, certains pays qui se sont déclarés très préoccupés par les souffrances des Palestiniens de Gaza – y compris des pays qui ont les moyens de donner beaucoup – n’ont fourni que très peu, voire rien du tout. Il est temps que tout le monde – tout le monde – se mobilise.
Et pour ceux qui ont déjà donné et donné généreusement, donnez davantage.
Les États-Unis sont depuis des dizaines d’années le principal pays fournisseur d’aide aux Palestiniens. Aujourd’hui, j’annonce 404 millions de dollars d’aide supplémentaire aux Palestiniens, qui s’ajoutent aux plus de 1,8 milliard de dollars d’aide au développement, d’aide économique et d’aide humanitaire fournis par les États-Unis depuis 2021.
Deuxièmement, nous devons travailler ensemble pour que davantage d’aide puisse arriver à Gaza, et qu’une fois à Gaza, elle parvienne à ceux qui en ont le plus besoin, par voies terrestre, aérienne et maritime.
Cela a été au cœur de nos efforts depuis le début du conflit.
Ces derniers mois en particulier, Israël a pris des mesures importantes pour ouvrir davantage de points de passage et lever les obstacles à l’acheminement de l’aide. Mais il peut et doit faire plus.
Comme nous l’avons fait savoir directement au gouvernement israélien, il est essentiel d’accélérer l’inspection des camions et de réduire les retards, de clarifier et de raccourcir la liste des marchandises interdites, d’augmenter le nombre de visas pour les travailleurs humanitaires et de traiter les demandes de visa plus rapidement, de mettre en place des moyens plus clairs et plus efficaces pour que les groupes humanitaires puissent éviter tout différends avec les opérations des forces de défense d’Israël (FDI), d’acheminer des médicaments et des équipements vitaux et de fournir tout ce qui est nécessaire pour réparer les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement.
Israël doit prendre de nouvelles mesures pour réduire le nombre de victimes civiles, même s’il combat un ennemi qui a commencé cette guerre par le massacre barbare de civils le 7 octobre, un ennemi qui mène ses opérations depuis des écoles, des hôpitaux, des camps pour les familles déplacées, un ennemi qui se cache cyniquement derrière ou sous le peuple qu’il prétend représenter.
Nous savons tous, je pense, qu’il n’y a pas de temps à perdre, compte tenu de l’enfer qu’endurent tous les jours des centaines de milliers de Palestiniens.
Abed, qui est âgé de 10 ans, a perdu ses parents, son frère et d’autres membres de sa famille. Ils ont été tués lors d’une frappe aérienne qui visait des terroristes. Il a déclaré : « Quand mon père et ma mère étaient en vie, je dormais. Je n’arrive plus à plus dormir. »
Il y a un acronyme de plus en plus courant pour les enfants comme Abed à Gaza : WCNSF, Wounded Child, No Surviving Family Members (enfant blessé, sans famille survivante).
À six ans, Fadi est atteint de la mucoviscidose. Quand le conflit a éclaté, ses parents n’ont plus été en mesure de lui procurer la nourriture et les médicaments nécessaires pour le maintenir en bonne santé. Avant son évacuation de Gaza vers les États-Unis le mois dernier, il souffrait d’une malnutrition si grave que ses jambes ne pouvaient plus soutenir le poids de son corps.
Dunya, âgée de 11 ans, a perdu ses parents, son frère et sa sœur dans la destruction de sa maison à Khan Younis. Elle a dit ceci : « J’ai perdu ma jambe. J’ai perdu ma famille, mais j’ai encore des rêves. Je veux avoir une prothèse de jambe. Je veux voyager. Je veux devenir médecin. Je veux que cette guerre se termine et que nos enfants vivent en paix. »
Ces trois enfants — Abed, Fadi, Dunya — et tous les civils palestiniens qui souffrent à Gaza, nous le savons, ils ne sont pas des chiffres. Ils ne sont pas des abstractions. Ce sont des êtres humains, des enfants, des femmes, des hommes, qui veulent tous exactement ce que nous voulons pour nous-mêmes et pour nos proches, tout comme les personnes assassinées en Israël le 7 octobre, tout comme les otages toujours retenus à Gaza.
Alors nous devons tous nous engager à nouveau à participer aux efforts qui visent à garantir que ces personnes ne puissent pas seulement survivre, mais qu’elles puissent aussi vivre en paix, que leurs droits soient respectés et qu’elles aient la possibilité de réaliser leurs rêves.
Et il y a une autre chose à laquelle nous devons nous engager. Nous devons nous engager ensemble à tenter de nous débarrasser du poison présent dans notre puits commun, le poison de la déshumanisation, à savoir notre incapacité à voir l’humanité des autres.
Quand cela arrive, quand les cœurs s’endurcissent autant que cela a été le cas de part et d’autre, le pire devient possible et le meilleur devient très, très difficile à atteindre. Mais – mais – si nous pouvons voir l’humanité de chacun individu, et nous engager à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter cette humanité, tout devient possible.
Ne nous contentons pas d’invoquer un avenir meilleur pour les Palestiniens et les Israéliens. Contribuons à construire cette voie vers l’avenir, faisons-le ensemble.
Et nous pouvons commencer en optimisant tous les efforts que nous déployons pour aider ceux qui en ont besoin, et les aider maintenant.
Je vous remercie. (Applaudissements)